Monique Baus 5–6 minutes
Aux Pays-Bas, c’est très courant. Chez nous, c’est inédit.
À Bruxelles, plusieurs écoles primaires flamandes de Go ! (le réseau organisé par la Communauté flamande, à côté du réseau communal et du réseau libre flamands) appliqueront la semaine de quatre jours de classe à la rentrée.
L’idée est de donner congé le mercredi. Deux écoles d’Evere ont reçu le feu vert du ministère flamand de l’Éducation et trois autres attendent la réponse à leur demande de dérogation.
Pourquoi ce changement ? Car la Flandre est, comme les écoles francophones, confrontée à une très grave pénurie d’enseignants. La semaine de quatre jours est présentée comme un avantage pour retenir voire attirer des institutrices et instituteurs, en leur évitant un jour de trajets.
“Tous nos enseignants viennent de Flandre, explique Lisa Janssens, la directrice du Weg-Wijzer, l’une des deux écoles concernées, sur le site du quotidien De Standaard. Du Limbourg à la Flandre occidentale. Avec cette mesure, nous espérons leur donner un peu plus d’oxygène.” La détresse des directeurs d’école face à la pénurie de professeurs : "Certains renoncent à chercher" “La qualité de l’enseignement n’en souffrira pas”
Concrètement, comment cela va-t-il se passer ? L’idée, pour les lundis, mardis, jeudis et vendredis, est de commencer quinze minutes plus tôt le matin, de raccourcir la pause de midi, et de terminer vingt-cinq minutes plus tard l’après-midi. Comme ces journées-là sont un peu allongées pour compenser les quatre périodes perdues le mercredi, leur organisation a été repensée.
L’apprentissage de nouvelles matières sera réservé au matin, quand la concentration et la motivation des enfants sont au plus haut. Et des activités plus ludiques seront proposées l’après-midi. “Nous pensons que la qualité de l’enseignement n’en souffrira pas”, ajoute encore Lisa Janssens qui prévoit néanmoins d’observer cela de très près, au moins pendant les deux prochaines années. Des activités payantes
Reste une question : que feront les enfants le mercredi ? Ils ne seront donc pas obligés de venir à l’école mais une garderie sera organisée pour ceux dont les parents ne peuvent pas s’occuper à la maison. Diverses activités seront prévues mais, comme les subsides ne suffisent pas à les financer, elles seront payantes (3 euros l’activité).
Le ministre flamand de l’Éducation, Ben Weyts (N-VA), a réagi positivement à cette initiative qui n’a demandé aucun changement de législation. Lui aussi s’engage à en analyser les effets avec les écoles. Cantines, nettoyage, jardinage : dans les écoles de WBE, ces services sont menacés par l'équilibre entre réseaux “Mais est-ce l’intérêt des enfants ?”
Qu’en pense-t-on côté francophone ? “Rien de tel n’est à l’ordre du jour”, répond-on au cabinet de la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS). Et de signaler qu’un groupe de travail sera réuni dans les prochaines semaines pour identifier de nouvelles pistes de mesures de lutte contre la pénurie, en complément de celles déjà prises. Ce groupe de travail sera composé des acteurs institutionnels de l’enseignement, de membres de l’administration et des représentants des cabinets.
Pour sa part, le Segec (Secrétariat général de l’enseignement catholique) accueille l’idée avec circonspection. “Il s’agit ici de la situation spécifique d’écoles pour lesquelles l’essentiel des enseignants fait de longues navettes pour venir travailler, constate le directeur de la communication, Arnaud Michel. Mais l’intérêt des enfants est-il de concentrer les apprentissages sur 4 jours plutôt que 5 ? Rien n’est moins sûr. À l’amélioration des horaires pour les enseignants pourrait en fait correspondre une détérioration des conditions d’apprentissage pour les élèves ainsi que des complications dans l’organisation des écoles. L’affectation actuelle des locaux de classe est par exemple assurée en fonction d’une semaine scolaire de 4,5 jours et pas 4.”
Dans l’enseignement organisé par les communes et les provinces aussi, on doute. “L’important est de se concentrer sur les causes profondes plutôt que sur les symptômes”, déclare Philippe Barzin du CECP. Au sein de WBE (les écoles organisées par la Fédération Wallonie-Bruxelles), également. CECP et WBE annoncent quand même qu’ils resteront attentifs aux résultats de cette mesure.
Même perplexité du côté de l’Ufapec (parents de l’enseignement catholique). “C’est une fausse solution, estime Bernard Hubien. D’abord, cela ne résoudra pas le problème général de pénurie. Et puis il ne peut pas être question de faire supporter la charge de l’encadrement supplémentaire du mercredi par les parents.” Christophe Cocu de la Ligue des Familles est d'accord avec cela. "Le fait que les activités soient payantes est inacceptable", dit-il. Et il relève le problème politique et structurel à l'origine de cette décision. "La situation est inquiétante pour l'enseignement, ajoute-t-il. Et le fait que l'école se transforme en garderie le mercredi est un mauvais signal."