Que fait la police ?

107 readers
1 users here now

Documentation des pratiques policières, et violences d'État.

Analyses et observations des logiques répressives et sécuritaires.

Libertés publiques et droits fondamentaux.

« Si tu leurs réponds, il y a outrage. Si tu résistes, il y a rébellion. Si tu prends la foule à témoin, il y a incitation à l’émeute. » Maurice Rajsfus, 2008

founded 10 months ago
MODERATORS
76
77
78
79
 
 

Rapport complet :

https://ldh-midi-pyrenees.org/2024/09/rapport-de-la-commission-denquete-sur-les-atteintes-aux-droits-lors-des-operations-de-police-et-de-gendarmerie-contre-les-opposant%c2%b7es-a-la69-en-fevrier-et-mars-2024/

Un vieil opposant considère que ce sont des méthodes de guerre à l’encontre de civils. Le rapport, à chaque fois, précise le contexte, les lieux, les témoignages. Il décrit les abus et tricheries des forces de l’ordre comme lorsque J. donne un coup d’épaule contre un bouclier ce qui lui vaut, deux mois plus tard, une arrestation à son domicile à 7 heures du matin, violenté (trois fractures au visage, genou fracassé au sol). Il croit à une erreur, mais il est accusé d’avoir renversé le gendarme qui a obtenu 45 jours d’ITT ! J. est condamné à dix mois de prison avec sursis.

« Depuis un mois, les agents de sécurité de la Cimenterie viennent nous harceler le week-end, peut-être parce que nous sommes plus nombreux. Le week-end dernier ils ont caillassé des chiens qui appartenaient à des gens de la ZAD. Les week-ends précédents, c’étaient des insultes verbales homophobes, des chants militaires allemands, des jets de lumière et lasers. Un cap a été franchi dans la nuit de vendredi à samedi 23 mars, 6 à 7 agents de la sécurité de la Cimenterie étaient présents avec B., chef de la milice, qui disait “il faut tenir la ligne” à plusieurs reprises en exhortant ses gars. En plus des insultes homophobes, sexistes et racistes habituelles, nous avons reçus des jets de pierres, menaces de mort et incendie. »

###Menaces et violences à caractère fasciste

« J’ai carte blanche, on va vous rafler un par un, vous allez tous y passer… » prononcé une dizaine de fois.  « J’ai cent litres d’essence, y’en aura pour tout le monde. » « On va sortir le 9 mm. » « Vous dormirez plus, c’est la guerre. » «ATOSCA avait besoin de chiens de garde, c’est nous» «On va tous vous rôtir et on enculera vos daronnes.»

À une écureuille, des menaces de viol « J’vais venir te violer dans ton arbre salope, tu vas goûter ma bite. » Aux zadistes, des insultes homophobes «Enculé, sale PD»

###[Dimanche 18/02]

« Les insultes à une femme : “Je vais m’occuper de toi ! … éjaculer dans ta bouche ! […] Non, t’es trop sale, je passerai par derrière…”  Ils ont dit : “Descendez, on va venir s’occuper de vous […] Pourquoi, tu descends pas ? T’as peur ?”  Cette nuit-là, des CRS ont dit… “On est là pour votre sécurité”. » Non seulement les filles sont visées dans les menaces de viol, mais les insultes les désignent : « “J’ai le rouge à lèvre de ta mère sur ma bite.” “Je suis pour la liberté d’expression, je frappe ma femme et je viole ma fille.”

Et à une écureille qui lui répond “ma mère est morte” : le gendarme lui répond : “heureusement pour elle, elle se serait suicidée en voyant sa fille”. Et suite à des remarques sur sa vulgarité : “Je suis un robot…… Je ne pense pas…” Répété pendant plusieurs minutes. Pour les garçons, c’est le traditionnel : “fils de pute”, “Si t’essaie de t’échapper, je t’explose la gueule petite pute” m’a-t-il dit. »

80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
 
 

La cour d’appel de Paris a confirmé, mardi 10 septembre, que le policier mis en examen pour des violences sur un adolescent de 14 ans lors de son interpellation, en 2020 à Bondy, ne serait pas jugé. L’avocat du jeune homme s’est pourvu en cassation.

Son visage tuméfié et ses larmes avaient fait le tour de France au printemps 2020. À la sortie du premier confinement, le jeune Gabriel D., 14 ans, a brièvement incarné un débat national sur les violences policières et le racisme systémique, alimenté par l’affaire Adama Traoré, l’injure « bicot » prononcée par un fonctionnaire de police à L’Île-Saint-Denis et le meurtre de George Floyd aux États-Unis.

L’interpellation de Gabriel D. pour la tentative de vol d’un scooter, dans la nuit du 25 au 26 mai 2020 à Bondy, s’était conclue par des fractures au visage, trois dents cassées et trente jours d’interruption totale de travail (ITT) attribués par un médecin légiste. Plaqué au sol à l’issue d’une course-poursuite à pied, l’adolescent a toujours soutenu qu’un policier de l’équipage lui avait mis « trois ou quatre » coups de pied dans la tête, en le traitant de « connard »

« Troublé » par cette affaire, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, avait demandé publiquement à ce que « la lumière soit faite ».

Trois ans et demi plus tard, le juge d’instruction chargé du dossier à Bobigny a rendu un non-lieu au bénéfice du seul policier mis en examen dans cette affaire, a révélé l’AFP cet été. La partie civile a contesté cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui a confirmé le non-lieu, mardi 10 septembre, estimant que « les charges sont insuffisantes » pour renvoyer Benoît D., aujourd’hui âgé de 32 ans, devant le tribunal correctionnel. 

Ce fonctionnaire a toujours affirmé avoir trébuché « dans l’élan de sa course » sur l’adolescent, qui était tombé au sol, sans qu’aucun coup ne lui soit porté de manière intentionnelle. Ses collègues ont corroboré ses dires. Depuis sa mise en examen, en mai 2022, Benoît D. est resté libre sous contrôle judiciaire, avec pour seule interdiction celle d’entrer en contact avec la victime. Contacté par Mediapart, son avocat, Frédéric Gabet, n’a pas souhaité s’exprimer. 

Dans sa décision, dont Mediapart a eu connaissance, la chambre de l’instruction rappelle que les déclarations de Gabriel D. sont « parfaitement constantes » et que ses blessures ont bien été causées par son interpellation. Pris de vomissements en garde à vue, il avait passé dix jours à l’hôpital. Pour autant, « aucun des fonctionnaires de police présents n’admet l’existence de coups volontairement portés au visage »

Si l’adolescent accuse les policiers d’avoir voulu se couvrir en prétendant qu’il était « tombé », les juges estiment que les éléments du dossier ne permettent pas de poursuivre Benoît D. pour des violences volontaires. 

###« Gabriel ne s’est jamais remis de ces événements » 

La version de Gabriel D. a été « étayée par le premier avis médical », mais « considérée par les autres sachants soit comme une alternative, soit purement et simplement écartée », écrivent les magistrats. Au cours de l’enquête et de l’instruction, trois expertises confiées à des chirurgiens ont conclu que « des coups de pied au visage auraient été bien plus traumatisants ». Ils penchent plutôt pour une « chute », peut-être suivie d’un autre choc, lorsque le policier aurait heurté le visage de Gabriel D. avec sa Rangers. 

La cour d’appel valide ainsi l’analyse du juge d’instruction, qui dans son ordonnance du 21 décembre 2023 s’appuyait sur ces « expertises médicales contradictoires » pour conclure qu’il « n’est pas possible d’établir précisément ce qui s’est passé » lors de l’interpellation. « Un doute subsiste sur [son] déroulement exact », écrivait-il aussi. S’il est « indéniable » que Gabriel D. « a été blessé au visage » et « subit encore les séquelles de cette interpellation », « l’existence de violences commises par Benoît D. n’est pas étayée par des éléments objectifs »

L’avocat de Gabriel D., Stéphane Gas, a tenté d’infléchir la décision en rappelant aux juges que deux versions du procès-verbal d’interpellation ont été rédigées et que les policiers, dans leur appel aux pompiers, évoquent un « mauvais coup » sur la tête. Mais la cour d’appel a tranché : cela ne permet pas de « révéler l’existence de coups volontairement portés »

Stéphane Gas déplore une décision « incompréhensible quoique tristement prévisible », contre laquelle il a « immédiatement formé un pourvoi en cassation ». L’avocat regrette que « comme souvent, les graves blessures d’un jeune et ses déclarations constantes » soient « balayées par des déclarations invraisemblables d’un agent de police » et maintient que son client « a bien été victime de violences ». Il ajoute que « Gabriel ne s’est jamais remis de ces événements. Il est difficile de lui dire d’avoir confiance dans notre police lorsque la justice couvre des comportements aussi injustifiables »

En parallèle de l’enquête judiciaire, l’enquête administrative a retenu des « manquements professionnels » et des « comportements contraires à la déontologie » de la part de deux policiers. Elle estime d’une part que Benoît D. a « manqué de maîtrise » dans ses gestes, ce qui l’a conduit à « blesser involontairement mais grièvement » l’adolescent, d’autre part que ce policier et l’un de ses collègues n’ont pas été suffisamment réactifs pour lui prodiguer les premiers soins et appeler les secours. À ce stade, aucune sanction administrative n’a été prononcée. 

Le Défenseur des droits, qui s’était également saisi de l’affaire, indique que le dossier est toujours en cours d’instruction par ses services.

91
92
93
94
 
 

Un habitant du Val-de-Marne a saisi l’IGPN et porté plainte en avril, après la « palpation de sécurité » pratiquée par un agent de la Brav-M à l’occasion d’un contrôle routier. Le parquet de Créteil et la préfecture de police se sont emparés de ces faits, qui ont causé de graves séquelles.

Abdel B., 41 ans, se décrit volontiers comme « la personne la plus basique au monde ». Né en France, marié à une professionnelle de santé, père de trois filles, il travaille dans les ressources humaines après avoir été chauffeur de bus à la RATP pendant treize ans. « J’ai un casier vierge et mes douze points de permis », précise-t-il, comme pour donner des gages de sa parfaite insertion sociale. 

Six mois après un contrôle de police qui a eu des conséquences très sérieuses sur sa santé, il est encore sidéré par ce qui lui est arrivé le 18 mars 2024, à Thiais (Val-de-Marne) et qui aurait pu concerner « n’importe qui ». Lors d’une palpation de sécurité, un agent de la Brav-M lui a « pincé très fortement » les parties génitales, causant des lésions très graves. Abdel B. espère « que le policier lise l’article » et comprenne les répercussions de son geste. 

Auprès de Mediapart comme dans sa plainte, déposée le 8 avril 2024 au commissariat de Choisy-le-Roi, Abdel B. retrace posément les faits. Ils ont conduit le parquet de Créteil à ouvrir une enquête pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique, confiée en juillet au service de déontologie, de synthèse et d’évaluation (SDSE) de la préfecture de police de Paris.

De son côté, la préfecture de police se borne à confirmer que « plusieurs actes ont été effectués » dans le cadre d’une enquête administrative ouverte en parallèle de l’enquête judiciaire. 

Dans l’après-midi du 18 mars, Abdel B. conduit son scooter, à Thiais. Selon son récit, également consigné dans sa plainte, il revient de chez ses parents, s’est arrêté faire une course et s’apprête à aller chercher l’une de ses filles à l’école. Il croise la route de policiers à moto, qu’il identifie comme des membres de la Brav-M en raison de leur tenue, et les voit faire demi-tour. 

Anticipant un contrôle, il se gare avant même qu’ils ne lui fassent signe. Un agent « antillais aux yeux verts », qui lui semble être le chef d’équipe, demande à Abdel B. s’il sait pourquoi ils l’arrêtent. Oui, répond-il, parce qu’il a oublié de mettre ses gants, obligatoires depuis 2016. Il sait qu’il est en tort et ne montre « aucune opposition » au contrôle. Il décrit ensuite une longue palpation pratiquée par deux autres policiers, répartis de chaque côté de son scooter, dont il a l’interdiction de descendre. 

Le chef d’équipe lui précise « qu’il s’agit d’un modèle de scooter qui est régulièrement volé et qu’il ne sait pas [s’il est] une menace », se souvient Abdel B., étonné par cette palpation en binôme qui dure « plusieurs minutes ». « Je suis tombé sur des personnes tendues et suspicieuses mais je comprends que leur travail soit difficile », commente-t-il aujourd’hui. 

En théorie, la « palpation de sécurité » (réalisée par-dessus les vêtements) a pour seul objet de vérifier si la personne contrôlée est porteuse d’un objet dangereux. Laissée à l’appréciation des policiers, elle est facultative mais « en voie de généralisation », rappelait la Cour des comptes fin 2023.

Alors que les policiers le fouillent jusqu’à l’intérieur de ses poches, Abdel B. sent « un très fort pincement » sur ses parties génitales « par le gardien de la paix du côté gauche ». Pris de panique, il demande au chef d’équipe « de [le] laisser descendre ». « Il m’a répondu qu’il pensait à sa sécurité avant tout. » 

Abdel B. se rappelle avoir ensuite subi « une deuxième fouille debout », avant qu’un quatrième gardien de la paix lui dresse une contravention à 68 euros pour non-port des gants (45 euros si elle est payée dans les quinze jours). Il signe. « En partant, le fonctionnaire de police aux yeux verts m’a demandé si j’étais choqué et j’ai répondu que oui », précise encore le conducteur du scooter. Puis les policiers s’en vont.

###En arrêt de travail depuis six mois 

Après leur départ, « la douleur devenait de plus en plus intense », raconte Abdel B., qui va tout de même récupérer sa fille à l’école. La nuit suivante, il a si mal qu’il ne dort pas. Commence alors une longue série de consultations médicales, d’examens, de traitements anti-inflammatoires et antalgiques, de passages aux urgences. 

Les documents médicaux que Mediapart a pu consulter mentionnent un « traumatisme direct », à l’origine d’une « gêne urinaire importante ». Six mois plus tard, Abdel B. est toujours en arrêt de travail et suivi de près par un spécialiste en urologie. 

Alors qu’il était « hyper sportif », il a dû arrêter le vélo et la course et se retrouve « handicapé » par des douleurs permanentes. « Mentalement, je reste assez fort », poursuit Abdel B., qui reproche à ce policier d’avoir « détruit [sa] vie physique et même financière » puisqu’il doit assumer des dépenses médicales importantes. 

« J’aurais préféré qu’il me casse le nez », résume-t-il, en rappelant que le geste du policier pourrait aussi être qualifié « d’agression sexuelle ». Cet agent a-t-il commis une erreur professionnelle ou voulu lui faire mal, l’humilier, affirmer son pouvoir ? Abdel B. refuse toute « interprétation subjective ». Quelles que soient ses motivations, « ce n’était pas une manière de faire »

###Un signalement à l’IGPN et une plainte 

« Les neuf premiers jours, j’étais au lit et dans des hôpitaux », raconte Abdel B., qui a signalé les faits sur la plateforme de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) le 31 mars. Trois jours plus tard, l’IGPN lui répond que son signalement « a retenu [son] attention » et a été transmis à la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police, « qui appréciera les suites à donner ».   

Au cours du mois d’avril, Abdel B. et la DOPC ont échangé des mails que Mediapart a pu consulter. Le quadragénaire tente de contribuer à l’identification des policiers qui l’ont contrôlé. Sur YouTube, il a retrouvé l’agent « antillais aux yeux verts », qu’il désigne comme « l’initiateur » du contrôle.

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites à Paris, au printemps 2023, ce policier de la Brav-M est filmé par le député insoumis Ugo Bernalicis, auquel il donne verbalement son numéro d’identification RIO. « Je suis catégorique sur sa voix et son visage », écrit Abdel B.. Quelques semaines plus tard, il transmet également à la DOPC l’avis de contravention qu’il vient de recevoir, sur lequel figure un autre numéro RIO, celui de l’agent verbalisateur.   

En parallèle, Abdel B. a déposé plainte le 8 avril au commissariat de Choisy-le-Roi, après une première tentative infructueuse deux jours plus tôt – les agents lui auraient expliqué qu’ils n’étaient pas habilités à la prendre, ce qui est faux. Il a fallu plus de trois mois au parquet de Créteil pour désigner un service enquêteur, réduisant à néant les chances de saisir des images de vidéosurveillance, conservées un mois maximum. 

Depuis, Abdel B. n’a eu aucune nouvelle de la préfecture de police ou de la justice. La décision de rendre publique son histoire, qui touche à l’intime, n’a pas été facile. « J’espère que ça n’arrivera plus à personne. Il y a eu Théo, il y a eu Nahel. Je voudrais que ce policier soit d’abord neutralisé dans son travail, et si la justice veut faire quelque chose, tant mieux, ça donnera confiance aux Français. Dans le cas contraire, je serai du côté des gens qui disent que notre système ne fonctionne pas. »


Abdel B. a accepté de témoigner auprès de Mediapart et de fournir des documents attestant des conséquences de sa blessure, mais n’a pas souhaité que tous les détails médicaux figurent dans cet article. 

Contactés le mercredi 11 septembre, le parquet de Créteil a répondu vendredi 13 septembre et la préfecture de police mardi 17 septembre. 

95
96
97
98
99
100
view more: ‹ prev next ›